

Michaël MÉJEAN
récit
Biographie de l'auteur (par lui-même)
Artisan dans le bâtiment depuis de nombreuses années, Michaël Méjean vous présente ici son premier roman. Ce dernier écrit depuis une dizaine d’années et n’est à priori, pas prêt de s’arrêter.
Extrait d'Ori
Non, non et encore non. Ralentis ta course, concentre-toi, calme-toi. N’étant qu’à quelques mètres de lui, il sortit son 9mm fixé sur sa hanche, mais le rengaina immédiatement car cela aussi il le savait, ne servirait à rien… Ne mets pas ton bras gauche en bouclier, tu vas te le faire briser. Propose plutôt une soudaine poussée du bassin, violente et fulgurante, afin de le renverser… Voilà, c’est beaucoup mieux comme ça. Même si tu es toujours enlacé par des jambes d’acier, tu as l’avantage de pouvoir prendre de la hauteur et d’utiliser l’apesanteur, propre à chaque être humain vivant sur cette terre… Massacre-le, achève-le tout de suite. Tambourine-le sans cesse avec tes poings, plus gros que des enclumes et guidés par des bras monstrueusement musculeux. Ça ne fonctionne toujours pas, tu n’arrives pas à l’atteindre car il est bien trop rapide, bien trop puissant… Ne perds pas espoir, tu vas trouver la faille, tout le monde en a une. Ce monstre ne peut déroger à cette règle, il ne peut ni s’y soustraire ni la supplanter, il doit en être ainsi…
Tu es à nouveau sur le dos, il est sur toi, t’écrasant de tout son poids et prêt à en découdre. Il te dévoile un sourire malicieux, empreint de fierté et de supériorité. Réfléchis encore, réfléchis mieux. Non, surtout pas, ne lui donne pas ton bras. Trop tard c’est fait, tu ne peux plus reculer à présent, laisse lui en faire ce que bon lui semble. Tu l’entends craquer dans un bruit écœurant. Tu ressens une terrible douleur provenant de ton coude, envoyant interminablement de violentes ondes de choc jusqu’à ton cerveau. Mais tu n’en as cure, bien au contraire. Tu vas tirer profit de cette distraction pour dégainer ton arme et lui faire exploser la tronche, dans une magnifique et jouissive effusion de sang, t’octroyant ainsi le plus beau feu d’artifice de toute ta vie… Putain de merde, ton bras droit est cassé lui aussi, il pend mollement sur l’asphalte, tout comme son confrère peu de temps avant lui. Tu n’es plus désormais qu’une poupée de cire, malmené au gré d’une enfant pourrie gâtée, à l’esprit tortueux et aux griffes acérées. Tu la sens, impuissant, te démembrer morceaux après morceaux avec une délectation certaine et une malveillance assumée, voir souhaitée. Avant qu’elle ne t’arrache la tête, de ses mains douces et minuscules, avant de ressentir la chair et les tendons de ton cou céder, tu croisas son regard. Ses yeux sont brillants de joie, éloquents de fierté, tu t’en souviendras à jamais et ils n’auront de cesse de te hanter… Non, non et encore non. Tu trembles plus gaiement qu’un vieillard devant quitter son fauteuil pour aller faire son deuil. Tu sus plus abondamment qu’un gros porc devant abandonner son doux lit de cambouis pour monter sa truie, et le pire dans tout ça c’est que tu sais pertinemment pourquoi. Tu es effrayé par la dure réalité des choses, tu as peur de constater échecs après échecs, que toute cette mascarade ne peut qu’empirer. Tu n’en sortiras jamais vainqueur, cela aussi tu le sais, tu commences d’ailleurs à l’accepter, avec lenteur et douleur… Maintenant tu comprends, appréhendant ainsi la situation sereinement. Tu es aux faits de toutes les possibilités, pour la simple et bonne raison que tu les as toutes exploitées, toutes épuisées. Tu découvres que ta chance est immense, que les battements de ton cœur gonflant ta poitrine par intermittence, sont intenses et emplies de véhémence. Tu réalises enfin, qu’il aurait pu t’inviter à une tout autre danse. Une danse macabre, immanquablement inextricable et des moins pardonnables.
Un son vibrant et récurrent te sort peu à peu de la torpeur, de ce cauchemar tapageur. Oublie tout ça dorénavant, et prend l’ascendant de ta revanche en t’éveillant…
Prédestination (nouvelle)
Quand tu étais minot, tu avais tendance à te balader jusque tard dans la nuit, lorgnant les pièces trainantes autour d’un parvis ou le long d’un caniveau. C’était la misère ou tout du moins, cela te semblait l’être, du haut de tes dix ans seulement. La récolte était parfois fructueuse, même si bien souvent, elle était plutôt décevante et pompeuse. Qu’avais-tu d’autre à faire après tout, hormis rentrer et affronter le suppôt de Satan, acéré de dents plus longues que ses dépens. Tu te souvins que lorsque tu en avais marre ou assez, de mener cette vie indigne et inadaptée, tu te rendais à un commerce de quartier pour t’acheter un malabar. Tu le mâchouillais pendant des heures, tentant vainement de le réduire à néant et ne parvenant au final, qu’à remplir ce dernier de microbes bien portants…
Les années bien sûr, ont finis par passer et le film à continuer de se dérouler, ne semblant ni bon ni mauvais. Je tiens néanmoins à préciser que tu étais à ton apogée, au summum de tes capacités. Tant d’un point de vue physique et artistiquement démagogique, que d’un point de vue moral et inéluctablement tacite. À vingt-cinq ans, seulement, ta verge dépassait l’entendement et dilapidait tout sur son passage. Ramonant monts et marais, sans ne jamais ciller. À cette époque, tandis que tu en avais encore marre ou assez, tu enfourchais sans vergogne l’un de tes plans B. Ainsi, elle et toi vous tapiez des barres sans vous fatiguer ou vous questionner, sur la pertinence de vos ébats…
À quarante ans, malgré tes efforts répétés, rien ne sera plus jamais comme avant. Tu as désormais le regard fuyant et hagard, même plus digne de te rendre au comptoir pour payer la tienne. À nouveau, tu en auras marre ou assez et tu sortiras ta bouteille de Ricard, à l’instar d’avoir pu tricarre. Tu trouveras cette dernière dans le placard, placée juste à côté des bouteilles d‘Hépar, comme un signe naturel de ta constipation avancée…
À soixante ans, tu ne vivras que dans le passé et dans les nombreux échecs essuyés, tu te demanderas comment tu as fait pour tomber aussi bas. Tu rejoindras régulièrement, lorsque tes finances te le permettront, ta dulcinée désappointée. Fidèle au poste et Toujours à l’heure, elle t’attendra, de tout temps sur le même trottoir. Malgré le fait qu’elle soit dégoûtée de voir ta sale gueule, elle paraîtra enjouée et dévouée mais n’aura en réalité qu’une seule envie, te voir rentrer pas trop tard. Tu sais pertinemment qu’elle fait semblant parce qu’elle a besoin de toi pour vivre mais en contrepartie, elle n’est pas en mesure d’appréhender que toi, tu as besoin d’elle pour survivre. Afin de te rappeler l’homme que tu étais, la ferveur qui naguère t’animait. La verge souillée et le cœur éreinté, tu finiras de t’enivrer dans les fonds de tiroirs, en attendant impatiemment ton départ…
Il est si loin ce malabar, tu ne parviens même plus à te rappeler le goût qui l’avait. Peut-être était-il arrivé trop tôt, ou seulement en retard, qui à ce jour pourrait savoir. Moi je suis convaincu d’une seule chose, j’ai tout donné et j’attendrais avec impatience que la mort vienne me faucher, me délivrer de cette vie sans égards…